dimanche, octobre 14, 2007

Martiniello : L'obligation d'apprendre la langue du pays peut avoir des effets néfastes et pervers

"Plus personne aujourd'hui dans la recherche ne soutiendrait l'idée qu'il est inutile d'apprendre la langue du pays dans lequel on va habiter. Si les pouvoirs publics poussent à cet apprentissage, ils encouragent aussi à l'intégration. Quant à savoir s'il faut aller vers l'obligation, c'est une question de choix politique. En tant que citoyen, je pense qu'elle peut avoir des effets néfastes et pervers", estime Marco Martiniello dans un entretien accordé au journaliste Pascal Martin pour Espace de Libertés (le magazine du Centre d'Action Laïque). Quel genre d'effets néfastes et pervers ? Impossible à savoir mais le professeur à l'ULg ressort le spectre de l'assimilation pour nous mettre en garde contre "une vision conservatrice de la société" européenne. "Le message consiste à dire aux nouveaux arrivants qu'ils peuvent aspirer à des droits à condition qu'ils remplissent d'abord des devoirs : apprentissage de la langue, respect de la loi, adoption des modèles culturels dominants. Il est intéressant pour le chercheur de constater que lorsqu'on met les devoirs avant les droits, on se situe dans le camp conservateur", explique ce chercheur sachant constater indépendamment de ses préférences politiques.

Il ajoute que "la discrimination positive peut parfois s'inscrire dans une logique assimilationniste. Il y a plusieurs approches, mais on peut dire clairement que tout ce qui est lié au respect de la diversité culturelle, au multiculturalisme ou à l'interculturalisme a souffert très fortement de ce qui se passe dans le monde depuis le 11 septembre 2001. Les Pays-Bas avaient déjà commencé un revirement avant cette date. Après les affaires Fortuyn et Van Gogh, ils ont revu complètement leur politique en disant qu'ils n'allaient plsu faire de multiculturalisme mais de l'assimilation, en insistant sur le respect de la culture néerlandaise, l'apprentissage de la langue, etc."

Pas besoin d'être directeur au CEDEM pour constater que les attentats terroristes du 11 septembre 2001 ont affecté la diversité culturelle de nos sociétés mais là où je ne partage pas du tout l'avis du professeur liégeois c'est concernant l'utilisation de l'argument "assimilationniste". J'entends souvent le même argument lors des débats au sein de la communauté turque où certains Belges passionnés, ne sachant toujours pas parler ni le français ni le flamand après plus de 30 ans de résidence, défendent avec passion le même argument en langue turque ("Bizi asimile edecekler" pour "ils vont nous assimiler"). De quoi être fasciné par le degré d'assimilation (politique et linguistique) qu'ils manifestent pour la société... turque tout en vivant principalement en Belgique. Obliger quelqu'un à apprendre la langue du pays où il compte habiter le restant de sa vie n'est, à mon avis, ni conservateur, ni assimilationniste. C'est au contraire aider la personne à mieux vivre en société pour entamer un vrai dialogue multicuturel à l'aide d'une langue commune partagée.

A lire : Immigration et intégration en Belgique francophone. Etat des savoirs, sous la direction de Marco Martiniello, Andrea Rea et Felice Dassetto, éditions Academia Bruylant.